Nous vous avions présenté la semaine dernière un article sur l’équipe des Karibous. On espère que vous avez apprécié ; aujourd’hui nous continuons notre tour de France des équipes en partant à la rencontre d’Enigma Robotics qui reparticipera cette année à la Coupe de France de Robotique.
Vous vous souvenez peut-être de cette équipe, ou plutôt des deux équipes qui ont reçu le prix spécial du jury l’année dernière (voir l’article : Prix du Jury 2017). En effet le jury avait apprécié le fait que deux équipes se réunissent pour pouvoir participer à la Coupe pour trouver plus facilement des solutions et finaliser leurs robots. Depuis leur projet de s’unir a continué de murir et a, à présent, pris son envol. Retour sur notre entrevue avec Titouan de l’ENIB (Brest) et Arnaud de l’ENIM (Metz).
Comme abordé plus haut, Enigma Robotics est la fusion de deux clubs issus de deux écoles d’ingénieurs appartenant au même réseau le Groupe ENI (Écoles Nationales d’Ingénieurs). « L’ARENIB, l’Association Robotique de l’École Nationale d’Ingénieurs de Brest, est une association qui a commencé à faire de la robotique en 1997 pour participer à sa première Coupe en 1998. On participe depuis très longtemps, on a même réussi à obtenir la seconde place sur le podium en 1999. L’association était très volontaire à ses débuts, mais avec les années, les élèves arrivaient à attribuer de moins en moins d’heures à nos projets robotiques qui tombaient dans l’oubli. » nous explique Titouan. Arrivé il y a 4 ans, il reprend l’association en main avec d’autres élèves. Ils sont désormais 14, dont 6 personnes qui se consacrent uniquement à la Coupe.
De son côté, Arnaud fait partie du CRENIM, le Club Robotique de l’École Nationale d’Ingénieurs de Metz. « A la base, l’école est très orientée sur le secteur automobile et a même une équipe de Formule 1 étudiante. Je suis arrivé il y a quatre ans en tant que président après une série de trois années où l’équipe ne réussissait pas à s’homologuer. Il a donc fallu recréer une équipe et trouver du budget. » Avec à l’époque uniquement 200 € et 3 personnes, l’équipe a bien progressé, puisqu’ils sont désormais 17 personnes. « On tient particulièrement à une diversité en termes d’âge. L’école proposant une formation sur cinq ans, c’est sur cinq générations qu’on essaie de travailler tous ensemble. » Avec le souhait de ne pas revivre ces années noires, cela permet également d’accueillir et de transmettre les connaissances aux plus jeunes.
Mais qu’est-ce donc qu’Enigma Robotics ?
Quand Titouan et Arnaud se sont rencontrés il y a deux ans sur la Coupe de France de Robotique 2016, ils ont rapidement parlé de ce projet pour regrouper leurs deux équipes. « Enigma c’est le début de ENI, notre réseau d’écoles. ENI de Metz, ENI de Brest. Ce sont deux équipes qui peuvent avoir parfois des problèmes de ressources financières et humaines. Et ensemble on sait qu’on est beaucoup plus fort pour faire face à ces difficultés. C’est pour cela qu’on a lancé ce projet-là l’année dernière. » raconte Arnaud. Cela leur permet également d’avoir des compétences complémentaires. Les messins sont très forts en mécanique, alors que les brestois sont plutôt axés sur la programmation informatique.
« Des liens se sont créés entre nos deux équipes, une amitié entre les gens que l’on a croisé que très peu de fois. » Et pourtant les deux écoles sont rivales de longue date, notamment sur des événements sportifs.
On fait la joie de Chronopost !
Avec deux groupes de travail distants de plus de 800 km, l’équipe Enigma Robotics a dû mettre en place différentes solutions pour faciliter le développement de ses robots. « On échange beaucoup ! L’important avec la distance c’est de communiquer énormément pour être sûr de se comprendre. » Toute l’équipe travaille sur Slack, une plateforme de communication collaborative, qui leur permet de discuter mais également de conserver une trace de tous leurs échanges. En plus, Titouan et Arnaud, s’intéressent à tous les sujets en cours et font des visio-conférences toutes les semaines pour se tenir mutuellement informés et vérifier que rien n’est oublié.
Les deux groupes ne se sont pas réunis physiquement depuis la dernière édition du concours. « On compte faire des tests à distance. Actuellement on cherche un moyen de streaming (flux diffusé en direct) pour pouvoir programmer le robot à distance. En attendant on fait la joie de Chronopost. »
Et pour 2018 ?
Enigma Robotics a accepté de nous en dire un peu plus sur ce qu’il nous réserve pour cette édition 2018. L’équipe a prévu un robot secondaire qu’elle surnomme SummerBot, « car il devait être prêt pour la fin de l’été, … bon, … ben il a été terminé cet hiver », rigole Arnaud. Ce robot a été développé pour être complètement modulable avec des trous d’implantation pour pouvoir l’adapter d’une année à l’autre. « On travaillera désormais tout le temps sur le même système. On a fabriqué une sorte de tour où on pourra régler tous les étages et en ajouter au besoin des nouvelles cartes électroniques », explique Arnaud. Titouan complète : « on a intégré des steppers (ndlr : moteurs pas à pas) pour éviter d’avoir de l’asservissement à faire. » En effet l’équipe voulait partir sur des technologies plus simples pour que des membres novices en robotique puissent prendre part à la conception. Au final le SummerBot devra réaliser plusieurs tâches du règlement 2018 (on vous invite à le découvrir ici), à savoir : activer le panneau domotique, démarrer l’abeille mais également faire des constructions (simples) avec les cubes.
Le gros robot quant à lui sera bardé de capteurs pour être capable de faire toutes les tâches au cas où le petit robot ne fonctionne pas correctement. Mais les deux machines travailleront de manière complémentaire, principalement pour la construction des bâtiments. Le robot principal regroupera les cubes dans la zone de son acolyte afin que ce dernier puisse les empiler. Une action pas forcément si simple à réaliser et qui devrait nous réserver un beau spectacle.
Mais l’équipe ne s’arrête pas là. Elle développe actuellement un système de localisation central. Cette année Planète Sciences a apporté une évolution majeure sur les aires de jeu en implantant un mat central permettant aux équipes d’installer un dispositif ayant une vue globale sur la table. Leur système permettra d’analyser ce qu’il se passe sur la table, « pour pouvoir récupérer tout ce qui est disponible comme point ; entre ce que l’adversaire a déjà ramassé et les bêtises qu’a pu faire notre robot. On traque tous les robots en fait. » Ce genre de système peut améliorer significativement la performance de l’équipe, mais est généralement d’une grande complexité à mettre au point. Il n’y a plus que quelques mois (il ne reste que 100 jours avant les homologations) pour découvrir cet appareil en fonctionnement.
Vivre un moment de stress !
L’équipe a d’ailleurs implanté dans ses robots une interface permettant à chaque membre de l’équipe d’utiliser le robot. « Les années précédentes, on devait envoyer tout le temps les deux mêmes personnes pour démarrer les robots lors des matchs. Cette année on a souhaité que tout le monde puisse vivre ce moment de stress. Résultat on a prévu pas mal de chose, des interfaces graphiques, des tutoriels présents dans le robot expliquant comment le démarrer. » Un bel esprit d’équipe où tout le monde peut participer avec des objectifs modestes. Ils souhaitent faire mieux que l’année dernière (65ème en 2017).
Une aventure à budget modeste
Les robots d’Enigma Robotics sont principalement fabriqués en interne dans les ateliers. Bénéficiant de petits budgets, tous les moyens sont bons, que ce soit de la récupération de chutes de métal dans l’atelier de Formula Students de Metz, ou des stocks des années précédentes à Brest : « on a des moteurs ultra-puissants pouvant rivaliser avec ceux des équipes du haut du classement, juste parce qu’une année les anciens membres voulaient s’amuser à avoir un robot super rapide. On est content car ça fait ça de moins sur la liste de course chaque année. »
Les deux clubs ont également le soutien de sponsors leur permettant de fabriquer certaines pièces comme les cartes électroniques, des pièces de tôlerie en découpe laser, ou encore en plastique chez des prototypistes 3D. Mais Enigma Robotics ne soutraite pas l’usinage de toutes les pièces et garde une partie de la production en interne. Pouvant accéder à l’atelier mécanique de l’école, plusieurs membres de l’équipe se consacrent également à la fabrication sur des tours conventionnels, de la découpe jet d’eau, de la plieuse, …
En attendant le 9 mai 2018
Nos deux participants de ce soir nous ont fait part de l’impatience qu’ils avaient à être présents à la Roche-sur-Yon le 9 mai 2018 pour la Coupe. Baignant depuis longtemps dans cet univers, pour Arnaud, il s’agit avant tout d’un projet personnel comme il nous le dit « j’ai participé pendant huit ans aux Trophées de Robotique et plus jeune, mon père était aussi membre d’une équipe inscrite à la Coupe. » Pour Titouan, c’est le fun présent lors de cet événement qui le motive. Avec 1 500 étudiants provenant de toute la France vous imaginez l’ambiance de folie qu’il peut y avoir.